Coucou camarade !
Aujourd'hui, non pas un article de news (je sais que tu enrages de ne pas en avoir, camarade, toi qui fais partie de mes cinq visiteurs réguliers, il y en aura bientôt, ne t'en fais pas...) mais un post louangeur. Je n'en fais pas souvent, je m'étais exprimé ici même sur la Zona, excellent film espagnol. Je reviens pour parler de Buried, visionné hier, faisant déjà (plus ou moins) l'unanimité. Pourquoi en parler, alors, si tous les (bons) critiques de cinéma lèvent déjà le pouce ?
D'abord, parce que c'est un gant jeté à la face des auteurs, en tout cas, de tous ceux qui aiment « le genre » comme on dit. C'est peut-être même une moufle de soudeur en travers de la gueule, ou une pince de scaphandrier, faut voir.
Parce qu'il s'agit là du pitch impossible par excellence : passer tout un film en compagnie d'un homme enterré dans un cercueil, avec pour seul contact extérieur un téléphone portable...
Et ça, n'importe lequel d'entre nous vous le dira : on a tous nos pitchs « qui-coûtent-rien-et-qui-vont-changer-la-donne-à-jamais-genre-Cube/BlairWitch-tu-vois-mais-avec-une-palme-d'or-et-huit-oscars-à-la-fin. ».
Sauf qu'on en fait pas des scénarios. Pourquoi ?
Camarade, camarade... la blague du mec enfermé, tout le monde l'a faite, elle est inscrite sur le petit carnet à « idées qui déchirent » de tout un chacun.
Et ça s'arrête là. Une heure trente, ou trois cent pages, ou trois albums de bd... passés avec UN mec, dans UNE boîte ? Vide soudain de l'imaginaire, face au défi à relever. L'idée du siècle s'effondre.
Hé oui... L'histoire du mec enfermé tout seul reste, pour chaque auteur, un souvenir cuisant, une punition qu'il s'est infligé sans le savoir au début. Un autobizutage, une selfmade-bite-au-cirage, dont le scénariste retient une leçon essentielle : les pitchs, c'est comme les filles, y en a qui sont hors catégorie. (Beaucoup trop, d'ailleurs.)
Le problème, avec Buried, c'est qu'il est arrivé ce qui arrive tous les dix ans : le film tient ses promesses. Le scénariste qui était aux manettes a réussi là où tous les autres ont échoué.
Et c'est mal.
C'est sans doute une des pires humiliations subie par toute une catégorie socio-professionnelle. Catégorie qui se caractérise en plus par l'égo démesuré de ses membres : on parle quand même de gens qui demandent du pognon pour raconter des histoires... Même un usurier aurait pas assez de gueule pour le faire.
Alors, je ne vais pas m'étendre, parce que détailler le film, c'est le desservir. Malgré quelques facilités vite oubliées devant l'audace et l'impact de l'expérience, il réussit à maintenir le suspense jusqu'au bout, et c'est peu dire. Le pire, c'est qu'il finit de la meilleure des manières : il sèche son spectateur à la toute dernière seconde. Et rarement générique de fin a laissé un tel blanc dans une salle.
Et quand cette salle est remplie à crever de jeunes gens sympathiques arrivés évidemment cinq minutes après le début du film, les phones allumés et braqués comme des torches pour trouver une place, avec force blagues et déclarations tonitruantes (j'aime l'UGC de la Défense), imposer le silence, c'est un beau challenge.
Même ton scénariste préféré a subtilement tenté l'impossible avec un courageux « Vos gueules. » C'était follement téméraire, c'est vrai, noyé comme je l'étais dans la masse et la pénombre de la salle. Ca n'a pas marché, tu en jugeras par la réponse qui m'a été faite : « A la fin du film, on te retrouve, b...d. ».
Et pourtant, le film s'est imposé de lui-même.
Buried, c'est aussi ça : tout le 92 est réuni dans une salle... et pourtant, le 92 ferme sa gueule. Et ça fait du bien.
Buried, c'est même un scénariste qui rentre chez lui sain et sauf, parce que tous les soucis, les petites contingences de la vie quotidienne, et même les menaces de mort, tout est oublié le temps d'un film. Si c'est pas beau.
Enfin, Buried relève avec talent un dernier défi : offrir un rôle en or à ça :
Ouais, on fait plus crédible, comme acteur dramatique. C'est plutôt une chouette pub pour les salles de sport (une pub mensongère, cependant, je peux te l'assurer...) et c'est semble-t-il ce qu'il faut être pour se ta... pour épouser Scarlett Johanson.
Pourtant, malgré une ceinture abdominale incompatible avec un rôle shakespearien, Ryan Reynolds (oui, tu l'as compris, c'est son nom) est un bon acteur, et n'a pas joué que dans des merdes, avant. Mais il en a fait beaucoup. Ou peut-être en a-t-il fait une de trop avec l'inénarrable Wolverine... ? Le pire est qu'il promet d'en faire d'autres (quelqu'un va aller voir Green Lantern ? AH AH AAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaah noooooom de D...)
En tout cas, Ryan est très bien, dans Buried, comme il peut l'être dans... je sais plus... Mais grâce à ce film, on lui souhaite de pouvoir faire monter son cachet sur Green Lant... nan, allez, j'arrête, c'est mal.
Bref, Buried. Un film très très énervant... pour un auteur. Du temps intelligemment investi pour spectateur, sans nul doute.
Mais qui faut-il, finalement, remercier pour ça ?
D'après IMDB, ce monsieur s'appelle Chris Sparling. C'est donc lui que de nombreux scénaristes vont remercier pour l'heure et demi passée grâce à son talent. Et pour la remise en question qui s'en suit, c'est aussi lui qui sera traqué comme une bête Et c'est tant mieux, y a une justice. Enfoiré.
Heureusement qu'il y a toujours des daubes pour se rassurer, se dire qu'on est quand même bon... J'en profite ici pour remercier Tony « épilepsie garantie » Scott : Tony, j'ai vu la bande annonce de ton nouveau bébé, Unstoppable. La scène d'exposition est d'ailleurs visible dans le trailer, et c'est d'une grande finesse, comme toujours dans ce que tu fais.
« _ Vous êtes en train de me dire qu'on a un train sans conducteur et sans frein, chargé de produits toxiques, lancé à 300 km/h, et qui va dérailler dans une ville de 100000 habitants ?
- Oui, madame. »
Tes dialoguistes sont des tueurs, comme d'hab. Et j'ai vraiment hâte de retrouver Denzel « dis aux enfants que je les aime » Washington.
Ouf, heureusement que vous arrivez, les gars, on se sentait moins bons, tout à coup...